La filière bois en Vercors ; le dossier.

Le bois est partout autour de nous, de nos forêts à nos murs de maisons en passant par nos meubles. Mode de chauffage et mode de vie, tour à tour dépollueur puis pollueur, au sein de forêts changeantes, enjeu de développement local et pourtant encore très exploité "à l’ancienne"... Le sujet "bois" n’est pas si simple à cerner, en tous cas pas aussi simple qu’entourer le tronc d’un arbre ;-)

Pierre, lecteur et auteur de notre site et journal, a bien voulu nous expliquer tout ça après avoir fait le tour des acteurs concernés en Vercors 4 Montagnes.

1. La filière bois, une belle idée !

La « filière-bois », c’est l’ensemble des stades par lesquels passe le bois, de sa production à sa destination finale à travers les différentes étapes de sa transformation. Chaque étape ajoute une « valeur » au produit. Et c’est ce qui est important ici.

Donner corps à la « filière bois » en Vercors, c’est faire en sorte que la plus grande partie possible des activités liées à la production et à l’utilisation du bois se déroulent sur le territoire pour que celui-ci – c’est-à-dire ses habitants - bénéficie au maximum de l’emploi et de la « valeur ajoutée » - c’est-à-dire des revenus - générés tout au long de cette chaîne.

2. Deux arguments en sa faveur.

Le premier est économique et humain.

Si l’on veut que le territoire reste attractif et vivant, il faut qu’il offre une certaine proportion d’emplois « à demeure ». Il serait essentiel que nous puissions « maximiser » la mise en valeur de nos propres richesses : savoir-faire, capacités humaines, ressources économiques ; c’est ce qui se fait avec l’élevage. Pourquoi pas avec le bois de nos forêts ? Le second argument relève de « l’impératif écologique » ; il présente deux aspects.

D’une part, au cours de sa croissance, le bois stocke du carbone et l’arbre, à l’âge mur, est un concentré de carbone . Intensifier l’utilisation du bois dans la construction – c’est-à-dire augmenter la demande de bois d’œuvre -, c’est développer un débouché au carbone captif, et favoriser le renouvellement des forêts et leur capacité à continuer d’absorber du carbone.

D’autre part, le bois est une ressource locale, et renouvelable. Intéressant en ce qu’une utilisation locale limite les transports – et l’on sait l’enjeu important pour l’entretien des routes et la pollution. Intéressant aussi, alors que la perspective d’épuisement de ressources non renouvelables fait plus que se profiler.

Évidemment – et il y a un risque de contradiction – l’utilisation du bois énergie dégage du carbone. Mais ni plus ni moins que certaines des autres sources d’énergie auxquelles il se substituerait. Et toujours avec l’incitation au renouvellement de la forêt, que n’induit pas l’utilisation du charbon, du pétrole, de l’atome ou de l’énergie hydraulique... : le bilan est neutre pour le bois puisque la forêt est une pompe à carbone contrairement aux énergies fossiles pour lesquelles le bilan est exclusivement négatif.

Tout plaide donc pour un renforcement de l’exploitation du bois, en soi et en tant que filière, dans l’intérêt de notre territoire et de ses habitants. On aperçoit une implication importante de cette orientation, spécifiquement liée au produit lui-même : la filière commence dès l’exploitation de la forêt. Sans une exploitation efficace de la forêt – entretien, renouvellement, équilibre des essences, pas de filière écologiquement valable. Et cette efficacité dépend en partie de la construction ou de l’entretien d’une voirie appropriée, à la fois pour faciliter l’accès et réduire « la traîne ».

Une seconde spécificité doit être prise en compte : la forêt est « multifonctionnelle » et présente d’autres intérêts ; par exemple elle façonne le paysage et « l’atmosphère » du territoire et contribue à son attractivité ; elle favorise une autre activité économique : le tourisme, tant hivernal qu’estival. Elle n’est pas seulement de production et de loisir ; elle est aussi de protection des sols, notamment contre l’érosion et de la ressource en eau, stratégique au 21ème siècle ; et elle a enfin une fonction paysagère. Elle exige donc une gestion durable, par des actes sylvicoles réfléchis et réguliers.

3. A quelles conditions une véritable filière bois peut-elle se développer en Vercors ?

Aujourd’hui le canton des 4 Montagnes est producteur et exportateur de bois brut, et importateur de produits finis : bois d’œuvre et même bois-énergie. Il n’existe pas une véritable filière bois continue, mais simplement quelques segments. Le bois sorti n’est transformé sur place que dans une infime proportion ; sauf exception rien ne permet de dire que le bois d’œuvre utilisé sur place soit d’origine locale. Mais il existe un début de « circuit court » pour le bois-énergie : Les chaufferies-bois communales.

Il n’existe pas d’obstacle technique à la constitution d’une filière complète. Dans la première transformation, la maîtrise des techniques de sciage-rabottage-séchage n’est pas hors de portée – sous réserve des conditions particulières imposées par les conditions climatiques -. Dans la seconde transformation, il existe à la fois des menuiseries et des entreprises de construction capables de construire-bois, qui ne demandent qu’à se développer. Une demande au moins latente d’un habitat-basse consommation existe et la construction bois y correspond assez facilement. L’utilisation du bois énergie a été expérimentée et est en voie d’organisation. Bref, beaucoup d’atouts.

D’autres ont progressé dans ces voies, en Chartreuse par exemple (label AOC), alors que les conditions sont assez voisines, en Ardèche-Drôme (Fibois), en Trièves (plateforme de Saint Michel les portes) ou encore en Savoie (Bois qualité Savoie –BQS). Et l’ensemble de la filière peut se mobiliser au tour du projet « Bois des alpes », fédérateur de toutes les « ambitions alpines ».

Mais il existe des faiblesses qui ne pourront être surmontées que par l’organisation et la volonté collectives. Elles tiennent à l’extrême morcellement de la propriété forestière privée et aux conditions économiques du monde moderne.

La forêt est à 49 % communale (11 934 ha) et 51 % privée (12 433 [1] ) . Cette dernière est très « éclatée » entre un grand nombre de propriétaires et une multitude de petites parcelles dont la rentabilisation isolée est très difficile .

La forêt publique, évidemment moins morcelée, ne rencontre pas ce genre de problème ; les dispositions législatives, l’engagement de élus et la présence de l’ONF poussent avec un certain succès à sa mise en valeur « dans l’esprit-filière ». Mais pour le secteur privé, il est clair qu’il faut coopération et organisation collective. Les structures nécessaires existent. A travers divers instruments (charte forestière, plan massif, plan d’approvisionnement) la filière se donne peu à peu les moyens d’exister en coopération public / privé.

C’est ici qu’interviennent les conditions économiques du monde moderne. Dans une certaine mesure, la filière était mieux constituée jadis qu’elle ne l’est aujourd’hui. Les scieries ont été nombreuses, les métiers et l’utilisation locale du bois plus développés que de nos jours. Au 21ème siècle, qu’on l’apprécie ou non, l’existence d’unités économiques de petite taille est peu compatible avec « l’impératif de rentabilité », tel qu’il est aujourd’hui conçu et exprimé. Or la taille de notre massif ne justifie pas des unités de production de grande taille – qui ne seraient au demeurant pas dans notre tradition -. L’éparpillement (donc les faibles quantités à traiter) créent une certaine insécurité pour les entrepreneurs.

Des instruments comme les « contrats d’approvisionnement » se développent, qui améliorent la visibilité dont on a particulièrement besoin en économie forestière. Là aussi, il faut coopération et organisations communes, mutuelles, sur notre territoire mais peut-être aussi avec les territoires voisins.

4. Le « bois-énergie »

Les forêts de hêtres sont exploitées pour la production de bûches utilisées comme combustible : là, le bois-énergie n’est évidemment pas un résidu !

Les forêts de résineux sont, elles, exploitées pour le bois de structure ou de bardage. Il subsiste deux catégories de « résidus » : les surbilles (extrémité des troncs, de faible diamètre), les bois à défaut, les chablis (arbres naturellement déracinés) d’une part, qui sont évacués et pourront être déchiquetés ; les écorces et branches d’autre part dont la quantité est importante (la production de 2 m3 de grumes génère 3 m3 de « petits bois ») et qui ne sont pas évacuées. Leur décomposition sur place est indispensable eu bon fonctionnement écologique de la forêt.

Dans les conditions actuelles, l’exploitation de ces résidus en bois-énergie n’est probablement pas directement rentable. Ils constituent une utile ressource d’appoint à l’exploitation du bois d’œuvre, utile à l’équilibre de la filière.

5. La construction bois

Avec la construction-bois, le bois devient un véritable matériau de construction, en cours de normalisation. Bien que les Français ne soient pas aux avant-postes de ce cette technique, elle se développe significativement. Il faudrait d’ailleurs parler d’éco-construction, car c’est là l’apport véritable de la construction-bois, pour plusieurs raisons.

C’est, à la base, la construction d’une ossature en bois d’œuvre, structure et charpente, qui, par essence confère un excellent bilan-carbone à l’ouvrage : il utilise et neutralise du carbone-captif.

Ce n’est pas là la seule qualité du bois : il présente d’excellentes performances en résistance ; c’est un excellent isolant (12 fois meilleur que le béton), et enfin un très bon régulateur thermique.

Sur ces bases, il est plus facile d’aller vers des bâtiments économes en énergie, « basse consommation ». Il faut se rappeler que le bois répond aux grands enjeux du développement durable : il est considéré comme le matériau idéal pour envisager une construction « haute qualité environnementale » (HQE) et contribuer à l’augmentation des performances énergétiques du bâti, d’autant plus que sa mise en œuvre ne consomme que peu d’énergie.

Un petit nombre d’entreprises artisanales existe sur le plateau, de l’ordre de la demi-douzaine. Dans l’état actuel de la demande, elles semblent suffire à couvrir les besoins.

Comme pour toute activité, l’existence et l’avenir d’entrepreneurs-constructeurs-bois sont conditionnés à la fois par la demande, la concurrence et les conditions de rentabilité.

La concurrence de la construction traditionnelle subsiste : le coût d’une maison bois lui serait légèrement supérieur (tant que l’on ne valorise pas explicitement l’avantage-carbone). La demande existe, de la part de personnes et de familles qui apprécient à la fois l’ambiance d’une maison bois et son caractère plus écologique.

La question la plus délicate est peut-être celle des conditions de rentabilité. L’avenir et le développement de ces constructeurs seront assurés à la mesure...
 de la volonté collective des habitants de faire toute sa place à la filière bois,
 du développement de la recherche d’un habitat de plus en plus écologique,
 de l’appui des pouvoirs publics.

Pauvres indicateurs !

Dans ce domaine de la filière bois, on trouve un exemple très clair de l’insuffisance des indicateurs pris en compte dans le calcul économique. La « rentabilité » ne tient aucun compte de « l’avantage écologique », qui interviendrait positivement, parce qu’on ne sait (veut ?) pas le mesurer. Il serait certainement possible de progresser dans ce domaine. En attendant, c’est cet avantage écologique qui peut justifier l’affectation de subventions publiques à des programmes de la filière : elles consacrent « l’avantage collectif » qu’ils comportent.

Pierre


[1Source de données utilisées dans ce passage : Plan de massif Centre régional de la propriété forestière (CRPF) Rhône Alpes,



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